Infractions routières à bord de véhicules de sociétés : connaissez-vous l’obligation de dénonciation des salariés ?

Dans trois arrêts récents espacés de quelques semaines, la chambre criminelle de la Cour de cassation a apporté plusieurs précisions utiles aux employeurs relatives à l’obligation de dénonciation, pénalement sanctionnée, prévue par l’article L.121-6 du Code de la route.

Quelle est la meilleure attitude à adopter par l’employeur lorsque l’un de ses salariés commet une infraction au volant d’un véhicule de société?

La réponse à cette question, particulièrement simple, est donnée par l’article L.121-6 du Code de la route, dans sa version issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 et entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Le chef d’entreprise n’a en effet pas d’autre choix, sous peine d’être condamné sur ses deniers personnels, que de dénoncer son salarié auprès des autorités compétentes, dans un délai de 45 jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention:

« Lorsqu’une infraction […] a été commise avec un véhicule […] détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception […] dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure. »

Le non-respect de cette obligation de dénonciation est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe, d’un montant de 750 euros pour le chef d’entreprise et de 3.750 euros pour la société.

L’on précisera que cette obligation de dénonciation concerne les infractions, constatées par des appareils de contrôle automatique homologués, portant sur:

  • le port de la ceinture de sécurité,
  • l’usage du téléphone,
  • l’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules,
  • la circulation sur les bandes d’arrêt d’urgence,
  • le respect des distances de sécurité,
  • le franchissement et le chevauchement des lignes continues,
  • le sens de la circulation,
  • les signalisations imposant l’arrêt des véhicules,
  • les vitesses maximales autorisées,
  • le dépassement,
  • l’engagement dans l’espace compris entre les deux lignes d’arrêt à un feu de signalisation, réservé aux cycles et cyclomoteurs,
  • l’obligation du port d’un casque homologué,
  • l’obligation d’être couvert par une assurance garantissant la responsabilité civile.

Dans arrêts trois récents espacés de quelques semaines, la Cour de cassation a apporté plusieurs précisions utiles aux employeurs relatives à l’obligation de dénonciation prévue par le Code de la route.

Dans un premier arrêt du 11 décembre 2018, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que (Cass. Crim., 11 décembre 2018, n°18-82.820):

  • le fait que « l’avis de contravention pour non désignation du conducteur ait été libellé au nom de la personne morale » ne peut permettre au chef d’entreprise d’échapper à une condamnation sur ses derniers personnels,
  • « l’infraction prévue par l’article L 121-6 du code de la route […] est constituée dès lors que l’avis de contravention pour non désignation du conducteur a été adressé après [le 1er janvier 2017, date d’entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016] » et cela même lorsque l’infraction initiale a été commise antérieurement.

Dans un deuxième arrêt également daté du 11 décembre 2018, la chambre criminelle a affirmé que la responsabilité pénale de la société peut être engagée, en sus de celle de son représentant légal (Cass. Crim., 11 décembre 2018, n°18-82.628):

« [L’article L.121-6 du Code de la route], sur le fondement duquel le représentant légal d’une personne morale peut être poursuivi pour n’avoir pas satisfait, dans le délai qu’il prévoit, à l’obligation de communiquer l’identité et l’adresse [du conducteur fautif], n’exclut pas qu’en application [de l’article 121-2 du Code pénal], la responsabilité pénale de la personne morale soit aussi recherchée pour cette infraction, commise pour son compte, par ce représentant. »

Dans un dernier arrêt, daté cette fois du 15 janvier 2019, la chambre criminelle a ajouté que l’obligation de dénonciation s’impose également lorsque l’infraction au Code de la route a été commise, à bord d’un véhicule de société, par le chef d’entreprise lui-même (Cass. Crim., 15 janvier 2019, n°18-82.830).

Dans une telle hypothèse, le représentant légal de la société se trouve ainsi contraint de s’auto-désigner en respectant le formalisme prévu par la loi.

Il doit pour ce faire se rendre sur le portail ANTAI (www.antai.gouv.fr) et ne peut se prévaloir du paiement de la contravention initiale pour tenter de s’exonérer de cette obligation.

L’on notera, sur ce dernier point, que la Cour de cassation adopte dans son arrêt du 15 janvier une position bien plus sévère que le Tribunal de police initialement saisi.

Ce dernier, magnanime, avait en effet pris la décision de relaxer le chef d’entreprise en retenant que le paiement de la contravention initiale par le représentant légal pouvait être analysée comme une « [auto-désignation] comme acceptant la perte de points correspondant » et que l’oubli de procéder à la désignation en respectant le formalisme légal etait « une erreur matérielle sans conséquence puisque l’excès de vitesse [était] reconnu et que l’auteur [s’était] identifié par le paiement de l’amende ».

Cet argumentaire a été expressément rejeté par la Cour de cassation.